Voilà un couple bien inséparable, comme deux pois dans une cosse! La biodiversité et le climat partagent un peu la même histoire, mais d’un point de vue différent. C’est simple : si l’un va mal, l’autre le ressent. Heureusement, l’inverse est aussi vrai : si l’un se rétablit, l’autre se sent mieux. Découvrez ces liens forts qui les unissent pour le pire… et le meilleur!
Le dérèglement du climat donne bien du fil à retordre à la biodiversité, à tel point qu’il est le troisième facteur de son érosion, juste avant les changements d’usage des terres et de la mer et l’exploitation directe de certains organismes, suivant l’IPBES, la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (un sorte de “GIEC de la biodiversité”). Suivent la pollution et les espèces exotiques envahissantes qui complètent le tableau de la crise de la biodiversité.
David Roy, animateur de la Fresque de la biodiversité, aime donner des exemples concrets. Il explique qu’à cause du dérèglement climatique, la pêche commerciale des crabes des neiges (Chionoecetes opilio) en Alaska a été annulée pour la première fois de l’histoire : l’eau plus chaude de la mer de Béring a causé un effondrement du stock de cette espèce. En plus de perdre des milliards d’individus de crabes des neiges, les changements climatiques ont brutalement mis à l’arrêt leur pêche commerciale, un secteur important pour l’économie.
Il ajoute que, plus proche de nous, un secteur névralgique pour le Québec est aussi malmené par le climat… Notre fameux sirop d’érable ! En cause: les changements climatiques qui hâtent l’arrivée du printemps et diminuent le nombre de nuits de gel.
Imaginez donc, le processus de régulation du climat est un service rendu par la nature, et elle se débrouillait très bien jusqu’ici ! Avant l’exploitation des énergies fossiles par l’espèce humaine, comme le charbon et le pétrole, une respiration naturelle, équilibrée, avait lieu sur toute la planète grâce au cycle du carbone. La nature relâchait du carbone dans l’atmosphère et, naturellement, ce carbone était absorbé par les milieux naturels, dont les océans. Évidemment, la nature joue encore un rôle majeur pour la régulation du climat, mais l’excès de gaz à effet de serre (GES) que nous relâchons dans l’atmosphère perturbe fortement son équilibre millénaire.
Pis encore, en plus d’ajouter des GES dans l’air, les milieux naturels qui stockaient du carbone, comme les forêts et les tourbières, sont détruits. On considère aujourd’hui que la déforestation ainsi que tous les autres changements d’utilisation des terres contribuent à environ 15% des émissions globales de GES, ce n’est pas rien ! Au Québec, en particulier, les milieux humides sont d’excellents "stockeurs" de carbone, d’où l’importance de les protéger et de les aimer pour ce précieux service qu’ils nous rendent. « C’est hyper positif la nature ! La technologie, c’est ennuyeux par rapport à elle », s’exclame David Roy.
Avez-vous déjà entendu parler des solutions basées sur la nature, aussi appelées solutions nature ? En protégeant, en restaurant et en gérant adéquatement les milieux naturels, il est possible d’atténuer les changements climatiques et de mieux s’y adapter. Par exemple, des milieux naturels permettent de réduire la quantité de GES dans l’air en les stockant dans le sol ou dans un arbre. De plus, des milieux naturels en santé offrent des bienfaits pour l’ensemble de la biodiversité et de la société, comme des parcs où se détendre et des habitats pour les animaux.
A contrario, certaines solutions climatiques ont un impact négatif sur la nature, explique David Roy. L’électrification des voitures, par exemple, vise à réduire les émissions de GES… mais cela implique d’aller chercher des minéraux dans les milieux naturels et marins pour construire les batteries, ce qui a évidemment un impact négatif sur la biodiversité.
David Roy a encore un exemple concret qui illustre parfaitement les solutions nature : planter un parc en ville avec des arbres. Cette action permet, notamment, de stocker du carbone, faciliter l’infiltration de l’eau dans le sol, créer des habitats pour les animaux, diminuer les îlots de chaleur - surtout en période de canicule – et un lieu de divertissement et de ressourcement pour les gens. « Il n’y a aucun scénario où la nature est décevante ! C’est rare qu’on regarde un arbre et qu’on se dise… berk, un arbre ! », plaisante sérieusement l’animateur.
Communiqué de presse de l'IPBES - Le dangereux déclin de la nature : Un taux d’extinction des espèces « sans précédent » et qui s’accélère
La disparition brutale du crabes des neiges en Alaska, Radio-Canada, avril 2023
Recent shifts in northern Bering Sea snow crab (Chionoecetes opilio) size structure and the potential role of climate-mediated range contraction, Erin J. Fedewa, Tyler M. Jackson, Jon I. Richar, Jennifer L. Gardner, Michael A. Litzow, Deep Sea Research Part II: Topical Studies in Oceanography, Volumes 181–182, 2020