On entend de plus en plus parler de la biodiversité, souvent avec le mot « crise » qui n’est pas très loin. Mais ce n’est pas si simple de comprendre ce que signifie concrètement ce mot. Spontanément, on pense aux animaux et aux plantes. Mais serez-vous étonné d’apprendre que les paysages en font aussi partie, comme l’explique Stéphanie Pellerin, botaniste au Jardin botanique de Montréal ?
« La biodiversité, ce n’est pas que le vivant! » nuance d’emblée la botaniste, qui est aussi professeure au département de biologie de l’Université de Montréal. Bien sûr, les nombreuses espèces de notre planète en font partie, comme les ours noirs d’Amérique et les mouches à fruit, mais il y a aussi tous les gènes de ces espèces… et même leur fonction sur Terre! « C’est un peu comme les métiers: on ne peut pas tous être boulanger. Il y a des espèces d’arbres qui font davantage de photosynthèse, d’autres accumulent beaucoup de carbone et certains sont de meilleurs habitats pour les oiseaux ».
Dans la définition de la biodiversité, les scientifiques ajoutent aussi tous les écosystèmes de la Terre, c'est-à-dire les différents milieux de vie comme les lacs et les montagnes ainsi que les processus écologiques, tels que la photosynthèse et la décomposition de la matière.
En fait, la biodiversité, c’est toute la richesse de l’originalité qui existe dans notre monde. « C’est toute la variation qui fait qu’il existe des différences entre les personnes, les animaux, les écosystèmes… Tout ce qui est unique, en fait ! », résume Mme Pellerin.
Hé oui ! Puisque vous et moi sommes des êtres uniques sur cette planète, nous faisons aussi partie de la biodiversité, au même titre que l’immense forêt boréale et chacune des rares grives de Bicknell.
Cela vous parait encore un peu abstrait tout ça ? Peut-être qu’un synonyme très populaire vous parlera davantage : la biodiversité, c’est la nature, tout simplement !
« Lorsqu’on parle de paysage, on peut voir une prairie très uniforme, mais aussi une forêt et un lac à côté. Ça signifie qu’on voit plus de diversité que si on regardait seulement la prairie », explique Mme Pellerin. Or, il existe une diversité de paysages qui abritent des espèces animales différentes, notamment selon le type de végétation, le climat, la qualité du sol. « S’il n’y avait que des paysages de lacs, alors on ne trouverait que des espèces marines! », illustre la professeure.
La protection des paysages est loin d’être un enjeu théorique : pour Stéphanie Pellerin, c’est carrément une solution pour protéger la biodiversité dans son ensemble. « Le problème c’est que mondialement tout devient pareil ! », s’inquiète-t-elle.
En effet, il suffit d’observer les fleurs et les arbres exotiques qui garnissent nos maisons et nos jardins. Elle raconte d’ailleurs qu’aujourd’hui elle utilise un livre parisien pour inventorier la flore… de Montréal !
« Il y a une homogénéisation de la flore mondiale, car on crée des habitats, on construit des villes, on fait de l’agriculture et de la foresterie de plus en plus pareilles, partout ». La botaniste croit donc que protéger le caractère unique des paysages permettrait de protéger la biodiversité propre à chaque environnement, dans chaque pays.
Elle ajoute qu'il est possible, dès à présent, de faire des choix plus réfléchis en faveur de la protection de la biodiversité du Québec. Par exemple, plutôt que des espèces exotiques envahissantes comme la renouée du Japon, pourquoi ne pas planter des espèces québécoises dans son jardin, comme l’asclépiade adorée des papillons Monarque et le tilleul d’Amérique qui se déguste en tisane ?
La biodiversité vit actuellement une grave crise. Il faut dire qu’elle est attaquée de toute part : les pertes des habitats notamment en raison de l’étalement urbain, les marées d’espèces exotiques envahissantes jusque dans les jardins, la surexploitation des ressources naturelles comme les minéraux et les arbres, la pollution sous toutes ses formes et évidemment, les changements climatiques.
Or, « la biodiversité est à la base de tout. Si on a trop peu de diversité, on est fragile », enseigne Stéphanie Pellerin. Elle cite un exemple bien connu des Québécois et Québécoises : l’agrile du frêne.
« On a planté le frêne ad nauseam dans les rues de certaines villes ». Or, s’il y avait eu 20 espèces d’arbres dans une rue, dont seulement un frêne, il y aurait encore eu 19 espèces capables de prendre le relais. « C’est la même chose pour l’alimentation », avertit-elle, puisqu’on dépend d’autres espèces pour se nourrir. C’est donc important de garder une diversité d'espèces de blé et de riz, par exemple, pour protéger notre sécurité alimentaire si une maladie ou un insecte attaque l’une d’elle.
Pour Stéphanie Pellerin, il faut apprendre à voir la beauté ailleurs que dans l’uniformité. Par exemple, laisser les milieux humides et des arbres morts, même en ville, offre des habitats pour de nombreuses espèces qui en ont bien besoin : voilà un beau geste pour la biodiversité.