Saviez-vous qu’il existe huit espèces différentes de chauve-souris au Québec ? Certaines espèces, comme la petite chauve-souris brune (Myotis lucifugus), la chauve-souris nordique (Myotis septentrionalis) et la pipistrelle de l’Est (Perimyotis subflavus), ont connu un déclin fulgurant notamment avec l’arrivée du syndrome du museau blanc sur notre territoire. Comment faire pour les aider à se rétablir durablement ?
Une étape fondamentale est de découvrir ce qui affecte leur survie et quelles mesures sont les plus efficaces à mettre en œuvre. Par exemple, quels sont les endroits prioritaires à protéger ? Jusqu’où et jusqu’à quand faut-il mettre en place des mesures de protection ? Les changements climatiques pourraient-ils bouleverser les colonies dans les prochaines années ? « C’est lorsqu’on veut mettre en place des politiques de conservation qu’on réalise qu’il manque ce genre d’informations et qu’il y a encore beaucoup de questions sans réponse » explique Anouk Simard, chercheuse sur la biodiversité au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs.
Afin de répondre à ces questions et de mieux faire la connaissance de nos ténébreux Chiroptères, quatre réseaux de suivis sont en place pour recueillir de précieux renseignements à différents moments de l’année, notamment à des moments cruciaux comme au moment de la migration ou de l’hibernation… Hé oui, les huit espèces de chauves-souris sont divisées en deux groupes : les chauves-souris résidentes qui vivent chez nous toute l’année et les chauves-souris migratrices, qui viennent nous visiter l’été.
Embarquez dans notre tour guidé pour découvrir ces différentes initiatives, autant pour nos résidentes permanentes que nos touristes estivales !
Il existe un réseau de suivi des maternités des chauves-souris du Québec. Durant un mois pendant l’été, les femelles se regroupent dans des lieux chauds pour élever leurs jeunes. Ce suivi a souvent lieu directement chez des propriétaires privés qui ont à cœur de signaler la présence de ces locataires ailées dans leur chalet, leur grange ou leur garage. Des décomptes sont par la suite réalisés par science citoyenne ou par des spécialistes. C’est un inventaire efficace et assez facile à réaliser puisqu’il suffit de compter le nombre de chauves-souris qui sortent de leur abri à la brunante.
Un autre suivi consiste à visiter, une fois par hiver ou au deux-trois hivers, les cavités connues pour habiter des chauves-souris durant l’hibernation. Cet inventaire permet de documenter la variation du nombre d’individus au sein d’une population, année après année, en particulier pour suivre l’impact des mortalités du SMB qui survient durant cette période.
Le suivi se complique pour les chauves-souris touristiques puisqu’elles migrent dans le sud durant l’hiver où, étonnement, elles se logent au sol, dans les feuilles. Elle n’utilise pas non plus des bâtiments pour leur maternité, mais le feuillage des arbres matures. Puisqu’elles n’ont pas de résidences fixes au Québec, il devient très ardu de définir leur habitat ou d’aller les compter. Durant l’été, ces chauves-souris élèvent leurs jeunes directement dans les arbres feuillus matures : bonne chance pour les débusquer en pleine forêt !
Heureusement, une solution existe : les inventaires acoustiques qui enregistrent les ultrasons des chauves-souris lorsqu’elles chassent les insectes la nuit, dans les forêts, ou le long des routes et des champs.
Il existe ainsi deux réseaux de suivi acoustique pour nos visiteuses. Le réseau Chirops permet d’enregistrer les ultrasons des chauves-souris grâce à un véhicule muni d’un détecteur acoustique qui parcourt le même trajet routier trois fois par an depuis plus de 20 ans !
Le second n’est nul autre que le Réseau de suivi de suivi de la biodiversité. En effet des stations acoustiques fixes sont installées aux quatre coins du Québec, et revisitées une fois tous les cinq ans, afin d’observer l’activité en vocalise de plusieurs espèces durant toute une saison, incluant les chiroptères.
Puisqu’elles n’utilisent pas toutes la même fréquence, les experts peuvent différencier la plupart des espèces grâce à leurs cris inaudibles à nos oreilles. « Selon la variation dans la fréquence des ultrasons, qu’elle soit basse ou haute, cela donne une signature particulière à chaque espèce ou, à tout le moins, à chaque groupe d’espèce », précise Anouk Simard.
Serait-on capable de différencier chaque individu sur la base de son cri ? « On n’est pas rendu-là ! », s’exclame la chercheuse. « Même différencier les espèces, ce n’est pas si facile… Par exemple, la chauve-souris nordique et la petite chauve-souris brune ont des sons très semblables. Alors, en général, on est obligé de considérer que ce sont des chauves-souris du groupe Myotis, sans savoir exactement de quelle espèce il s’agit ».