Chaque année, les maisons se drapent de toiles d’araignées, des pierres tombales ornent les jardins enfeuillés et des symboles de chauve-souris surgissent de partout. Mais connaissez-vous bien ces amies ailées qui peuplent le ciel québécois, dès la nuit tombée?
« Ce qui est ironique, c’est qu’on associe les chauves-souris à Halloween… mais elles hibernent à cette date-là! », ironise Anouk Simard, une chercheuse en biodiversité au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, qui coordonne la recherche et les inventaires sur les chauves-souris au Québec. Mais quand même, un lien existe, puisque chaque année, du 24 au 31 octobre, le jour d’Halloween, se déroule la Semaine internationale des chauves-souris pour sensibiliser à la conservation de ces chiroptères.
Même leur icône de suceuse de sang est battue en brèche au Québec : n’en déplaise aux amateurs d’horreur, nos chauves-souris sont toutes insectivores! « Mais, ailleurs dans le monde, il existe bien des chauves-souris « vampire » ! Elles sucent le sang des animaux de ferme, comme les bovins, ce qui choque les fermiers dans certaines régions, notamment au Mexique », précise la chercheuse.
Pas de chauves-souris à Halloween, pas de suceuse de sang au Québec… Alors, comment faire honneur à la tradition d’épouvante du 31 octobre? Hummm… connaissez-vous le syndrome du museau blanc qui fait des ravages parmi ces petites bêtes aillées?
Anouk Simard est d’avis que la population a pu remarquer le déclin des chauves-souris. « Les gens me disent souvent qu’il y avait des chauves-souris partout dans le ciel lorsqu’ils étaient à leur chalet, mais que, dorénavant, ils n’y n'en voient plus. Effectivement, c’est vrai qu’il y en a moins qu’avant… des espèces très abondantes ont énormément diminué ».
Anouk Simard pointe le syndrome du museau blanc (SMB), arrivé au Québec depuis 13 ans, qui est maintenant présent partout dans la province. Cette infection affecte les espèces qui résident au Québec toute l’année, en particulier celles du groupe Myotis comme la petite chauve-souris brune (Myotis Lucifugus) ou la Pipistrelle de l’Est (Perimyotis subflavus).
Cette maladie de la peau est causée par le champignon microscopique Pseudogymnoascus destructans, une espèce européenne introduite en 2006 dans une grotte touristique située dans l’État de New York. Depuis lors, le syndrome du museau blanc (SMB) - qui affecte les parties dénudées de poils comme le museau, les ailes et les oreilles - a causé un déclin brutal des chauves-souris en Amérique du Nord.
« Lorsque le SMB arrive dans une région, il se propage très vite dans les hibernacles et ils tuent en moyenne 90% des individus qui y vivent. Par exemple, nos données nous montrent que seulement deux ans après l’arrivée du SMB, des grands hibernacles en Estrie sont passés de 5 000 individus à seulement un ou deux survivants! », regrette-t-elle.
Toutefois, la situation à d’autres endroits, comme en Outaouais, s’améliore depuis quelques années malgré un déclin de 70% des individus. « Nos inventaires nous permettent de voir où les chauves-souris se rétablissent, certains secteurs vont mieux que d’autres. En revanche, des espèces qui étaient moins communes prennent dorénavant le dessus. Il y a donc des secteurs où on observe à nouveau des chauves-souris… mais pas les mêmes espèces qu’avant ».
Il existe des solutions pour lutter contre le SMB, mais elles sont très difficiles à mettre en œuvre, comme le fait d’appliquer un fongicide dans les cavités où les chauves-souris hibernent… « toutefois cela altère l’écologie de la grotte », fait observer Anouk Simard. Elle explique que le SMB est arrivé sur le sol québécois très rapidement après sa découverte, ce qui a réduit la marge d’action. Dorénavant, les chauves-souris survivantes ont appris à survivre malgré la présence de cette maladie présente partout au Québec. « En Colombie-Britannique, ils s’attendent à son arrivée. En prévention, ils donnent donc des probiotiques aux chauves-souris, notamment dans les maternités, en espérant que ces bonnes bactéries rendent les chauve-souris plus aptes à combattre l’infection ».
Si seulement 10% des chauve-souris ont réussi à survivre au Québec, cela implique qu’il est important de protéger ce fragment de population pour éviter l’extinction de certaines espèces au niveau local. Pour les aider, il est possible de diminuer les autres menaces qui les guettent, notamment en collaborant avec les propriétaires pour favoriser la conservation sécuritaire des colonies établies dans des bâtiments mais aussi en gardant les habitats naturels où elles sont actives ou encore en établissant des plans de conservation.
« Comme pour plusieurs autres espèces en danger, conserver les habitats naturels est le premier point : ne pas détruire les boisés, densifier les milieux pour garder la nature intacte, éviter les pesticides et encourager l’agriculture biologique qui favorise les insectes dont se nourrissent les chauves-souris et les oiseaux insectivores. Tous les jours nous avons des choix à faire, au niveau de nos achats, de nos implications pour la sauvegarde des milieux naturels… ce sont encore ces grands principes qui prévalent! », fait valoir Anouk Simard.
Si vous croisez une chauve-souris (ou tout autre animal sauvage!), il est important de ne jamais les toucher. Bien que ce soit rare, certains individus sont porteurs du virus de la rage, une maladie mortelle. Advenant un contact avec les chauves-souris contacter le 811.