En matière de biodiversité et de changements climatiques, le Québec est une bibitte bien spéciale. Jugez plutôt : les espèces disparaissent à un rythme effréné dans le sud du globe mais, paradoxalement, elles pourraient bien augmenter au Québec et ailleurs dans le Nord. Comment est-ce possible ?
Pour répondre à cette question, il faut garder le dérèglement climatique à l'œil. Plus le thermostat planétaire augmente, plus les espèces doivent s’adapter à des températures et des perturbations extrêmes, comme des feux de forêt et des inondations. Une des stratégies d’adaptation de certaines espèces consiste à se déplacer vers le Nord, à la recherche d’un habitat plus frais et aux conditions de vie acceptables. Cette stratégie d’adaptation a évidemment des limites : la première étant que le Nord a beau être grand, il ne s’étend pas à l’infini ! Les espèces très au nord n’ont donc plus de latitude pour se déplacer.
De plus, l’arrivée de nouvelles espèces animales ou végétales dans un environnement comporte des risques. Par exemple, dans une étude de 2020, des chercheurs ont fait état du risque de dégradation du pergélisol, en raison des barrages de castors qui se déplacent de plus en plus vers les écosystèmes nordiques. Or, la dégradation du pergélisol libère notamment du méthane, un puissant gaz à effet de serre qui accélère le réchauffement climatique.
Voilà autant de raisons pour lesquelles Biodiversité Québec existe. Grâce à ce portail, il est dorénavant possible de suivre la biodiversité dans le contexte du dérèglement climatique et, ainsi, mieux s’y adapter.
Il y a plusieurs espèces dont la répartition sur le territoire se déplace notamment en raison des changements climatiques : le cardinal rouge, les papillons grand porte-queue, la saturnie cécropia ou encore l’épinette noire. Évidemment, toutes les espèces ne se déplacent pas au même rythme. Par exemple, les oiseaux ont un avantage de mobilité que les arbres n’auront jamais.
Quoique… certains végétaux sont plus volatiles que d’autres. Les graines hélicoptères des érables et les presqu’ailes des graines de pissenlit sont capables de s’envoler avec le vent, alors qu’une pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre. Mais il ne faut pas oublier le coup de main offert par les estomacs des espèces… qui déplacent aussi les graines englouties !
Une fois la graine enracinée, les arbres et autres végétaux n’ont d’autres choix que de subir des conditions de plus en plus défavorables en raison du réchauffement du climat, même si cela nuit à leurs chances de reproduction, voire de survie. Sécheresses, vagues de chaleur, inondations, gelées printanières tardives… Ces perturbations exacerbées par le dérèglement climatique affaiblissent les végétaux et les rendent vulnérables aux parasites et aux maladies.
Le cas de l’érable à sucre est aussi intéressant : même si un climat plus chaud pourrait lui permettre de se déplacer plus au nord du territoire, une étude de 2020 montre que la composition des sols nordiques l’empêche actuellement de s’y établir.
Il ne suffit pas d’avoir des pattes ou des ailes pour prendre ses jambes à son cou. Encore faut-il être en mesure de se nourrir, de s’abriter et de se reproduire dans un nouvel environnement plus nordique… et ne pas directement être mangé par les espèces déjà présentes.
En effet, lorsqu’on parle de nature, il ne faut jamais perdre de vue que tout est connecté. Par exemple, les vers de terre peuvent se déplacer, mais seulement si les arbres feuillus se déplacent puisqu’ils ont besoin de leurs feuilles pour se nourrir.
D’autres espèces, dites généralistes, partent avec des avantages, comme les ratons-laveurs, les opossums et les ours noirs. Elles sont capables de vivre dans des habitats variés et de se nourrir de toutes sortes d’aliments, dans des lieux tout aussi étonnants. Toutefois, l’arrivée de ces espèces vient avec un lot d’enjeux, à commencer par la propagation des maladies et parasites qu’elles amènent avec elles.
D’autres espèces trouvent aussi le chemin du Nord, à mesure que le climat leur ouvre la voie. C’est le cas de la tique à pattes noires, dont certaines morsures transmettent la bactérie Borrelia burgdorferi, responsable de la maladie de Lyme. Ces tiques se propagent sur le dos des souris à pattes blanches, une autre espèce qui monte. D’autres exemples inquiètent, comme la propagation de la tique d’hiver qui s’attaque aux cervidés ou encore la rage du renard arctique qui pourrait se transmettre aux renards roux qui se déplacent vers le nord et ensuite aux humains.