Vous êtes-vous déjà posé cette question en observant les jolies boules de plumes qui ornent les branches des arbres dénudés ? Pour Jean-Sébastien Guénette, le directeur général de l’organisme QuébecOiseaux, le choix de mettre une mangeoire, été comme hiver, ne devrait pas tant être guidé par l’altruisme envers nos amis ailés… mais plutôt par la soif de curiosité et d’émerveillement!
Voilà qui peut paraître contre-intuitif. De plus en plus d’alarmes sonnent sur le déclin d’oiseaux dans le monde. En 2019, par exemple, une étude parue dans la revue Science a conclut que l’Amérique du Nord avait perdu trois milliards d’oiseaux en 50 ans. Dans ce contexte, on pourrait penser qu’offrir de bonnes graines de tournesols aux oiseaux les aidera à passer l’hiver…
Les personnes les plus savantes et passionnées auront déjà aperçu la nuance importante qui s’impose : toutes les espèces d’oiseaux ne sont pas en déclin au Québec. En fait, la situation générale des oiseaux au Québec est moins inquiétante que dans les années 1970 où le DDT, un pesticide aujourd’hui interdit, faisait des ravages parmi la faune aviaire. En fait, certaines espèces d’oiseaux se portent (très) bien. C’est le cas des gourmands granivores qui visitent les mangeoires, dont l’exemple le plus flamboyant est le Cardinal rouge qui connaît une augmentation importante de sa population au Canada depuis 1970.
A vrai dire, les oiseaux des mangeoires n’ont pas besoin de notre aide pour se nourrir, même en hiver. Cela ne les empêche pas d’être d’importants représentants de la faune aviaire. Pour M. Guénette de l’organisme QuébecOiseaux, la chance de pouvoir observer quelques espèces depuis sa fenêtre peut permettre d’apprécier la valeur de toutes les autres. « J’ai des mangeoires dans ma cour. D’ailleurs, je suis devenu biologiste et directeur général de QuébecOiseaux parce que mes parents m’ont acheté des mangeoires à 12 ans. Je pense être la preuve que les mangeoires génèrent des ambassadeurs pour les oiseaux, j’ai donc un préjugé favorable envers elles… tant qu’on connaît leurs impacts négatifs, pour mieux les éviter ! »
Le passionné rappelle en effet qu’installer des mangeoires à la maison vient avec des responsabilités : il importe de les nettoyer soigneusement et régulièrement pour éviter la transmission de maladies mortelles entre oiseaux, en particulier la grippe aviaire qui fait des ravages au Québec. Veillez aussi à les placer à un endroit où les risques de prédation sont moins importants, quitte à vexer minou.
Les oiseaux des mangeoires ne sont qu’une infime partie des oiseaux qui peuplent le Québec. Parmi eux, les oiseaux insectivores aériens sont dans l’état le plus préoccupant : leur population au Canada a baissé de 59% depuis 1970. Ces chasseurs d’insectes en plein vol, comme les hirondelles, retiennent l’attention des scientifiques qui tentent de découvrir les causes exactes de leur disparition.
À ce jour, plusieurs pistes sont à l’étude, comme la disparition des milieux humides qui étaient de véritables pouponnières à insectes volants, la modification des habitats naturels par l'artificialisation des sols et l’agriculture intensive ainsi que l’usage de pesticides, dont certains sont déjà interdits en Europe.
Lorsqu’il est question d’oiseaux, les citoyennes et citoyens sont des ressources très précieuses pour les scientifiques ! Des dizaines de milliers de bénévoles, professionnels ou amateurs, donnent un coup de main déterminant à la recherche. Comment ? En faisant part de leurs observations d’oiseaux sur eBird directement depuis leur ordinateur ou leur téléphone intelligent ou encore en participant à des évènements, même depuis le confort de leur salon, comme le célèbre Recensement des oiseaux de Noël qui a lieu chaque année depuis 1900 !