Avec son vaste territoire, le Québec compte une mosaïque d'habitats et de climats, allant de l’érablière jusqu’à la toundra. Sa nature est riche et diversifiée : on y dénombre 844 espèces de vertébrés, 6 300 espèces végétales et près de 30 000 espèces d’invertébrés. Cette biodiversité, parfois méconnue, est un gage de résilience face aux changements climatiques et à tous autres enjeux environnementaux qui nous guettent.
Le Réseau de suivi de la biodiversité du Québec permet de s'outiller pour suivre l’évolution rapide des écosystèmes, de leur biodiversité et de leurs services écologiques. Il poursuit les objectifs suivants :
Mieux comprendre les changements dans certains écosystèmes et communautés animales et végétales;
Favoriser la collaboration entre différents partenaires afin de mieux suivre l’évolution des changements climatiques;
Améliorer la diffusion d’informations sur la biodiversité pour mieux sensibiliser.
Pour évaluer les changements de biodiversité, on utilise des bio-indicateurs : ce sont des organismes végétaux ou des animaux qui permettent de détecter des changements qui s’opèrent dans les écosystèmes. La présence ou les réactions de ceux-ci donnent des informations précieuses sur l’évolution de la biodiversité. Ils ont été choisis puisqu’ils sont sensibles aux changements du climat.
Les bio-indicateurs du Réseau de suivi de la biodiversité ont été choisis par des tables d’expertes et d'experts pour différents milieux : humide (tourbière et marais), terrestre (forestier et toundrique) et aquatique (lac, rivière et fleuve). Pour l’ensemble du Québec, des indicateurs à grande échelle ont été sélectionnés pour suivre les aires protégées et les menaces en lien avec les activités humaines.
Parmi les bio-indicateurs sélectionnés, certains étaient issus de données existantes ou de la télédétection, mais plusieurs impliquaient des inventaires terrain. Pour chacun des bio-indicateurs terrain, les questions et les méthodologies ont été définies, en plus de faire l’objet d’une analyse de pertinence. L’état d’avancement des bio-indicateurs prioritaires est présenté au tableau 1. Certaines années d’inventaires sont déjà présentées dans le portail Biodiversité Québec, d’autres sont à venir.
Tableau 1. Liste des bio-indicateurs inventoriés du Réseau de suivi de la biodiversité associés à différents milieux et réalisés entre 2016 et 2023
Bio-indicateur | Milieu | Portail |
---|---|---|
Communauté des macroinvertébrés benthiques d'eau douce | Rivière | 2016-2021 |
Composition des communautés de zooplancton | Lac | 2016-2022 |
Composition des communautés des poissons (ADNe) | Lac | 2017-2022 |
Physicochimie | Lac | 2016-2022 |
Variation des températures de l'eau en continu | Lac | 2018-2021 |
Composition des communautés d'arthropodes du sol | Forêt / toundra | 2016-2021 |
Composition et phénologie des communautés de chiroptères (acoustique) | Forêt / humide / toundra | 2016-2021 |
Observations fauniques (par caméra) | Forêt / toundra | 2016-2022 |
Vitesse de décomposition de la matière organique (thé) | Forêt | 2016-2021 |
Composition et phénologie des communautés d'oiseaux et d'anoures (acoustique) | Forêt / humide / toundra | 2016-2021 |
Biodiversité / hétérogénéité acoustique | Forêt / humide / toundra | À venir |
Composition des communautés des plantes vasculaires et invasculaires | Forêt / humide / toundra | 2018 |
Température du sol | Forêt | À venir |
Profil et horizon des sols | Forêt | À venir |
Composition des communautés d'odonates | Humide | 2016-2022 |
Composition des communautés de papillons de jour | Humide | 2016-2021 |
Composition et phénologie des communautés d’orthoptères (acoustique) | Humide | 2016-2022 |
Niveau d’eau en marais | Humide | 2018-2021 |
Phénologie de la végétation in situ (herbacées) | Humide | À venir |
Le Réseau de suivi de la biodiversité vise un suivi sur le terrain dans 300 unités régionales, dont 250 unités dans le Québec méridional (territoire carrossable) et 50 unités au Nord, en partenariat avec les institutions et communautés locales (figure 1). Pour les régions plus difficiles d’accès, l'analyse d’images satellitaires permettra de caractériser 150 unités additionnelles.
La distribution spatiale de ces unités régionales a été réalisée de manière à maximiser l’arrimage avec les suivis existants, à représenter les différents types de paysages et les gradients bioclimatiques, à intégrer les aires protégées et à y faciliter l'accès.
Chaque unité régionale regroupe des sites d’échantillonnage dans chaque type de milieu, eux-mêmes choisis pour bien représenter les caractéristiques locales de ces habitats (figure 1). En tout, plus de 1000 sites sont suivis.
Les inventaires terrain ont débuté par un projet pilote en 2016 et 2017 et se sont ensuite multipliés avec l’intégration des équipes des directions régionales de gestion de la faune du MELCCFP et plusieurs partenaires (p. ex. Sépaq, Parcs Nunavik de Kativik, Nunavik Research Center de la Société Makivik).
Selon les capacités actuelles, des inventaires terrain sont réalisés dans environ 30 unités régionales par année, ce qui représente environ 100 sites d’échantillonnage (tableau 2). À terme, on souhaite pouvoir visiter 50 à 60 unités chaque année, ce qui implique de retourner aux mêmes unités tous les cinq ans. La réalisation de ces inventaires est tributaire du financement, des possibilités de collaboration et des capacités logistiques des partenaires et du gouvernement du Québec.
Tableau 2. Nombre de sites inventoriés dans le cadre du Réseau de suivi de la biodiversité dans chaque région administrative ainsi que le nombre de cellules (unités régionales)
Année | Forêt | Toundra | Tourbière | Marais | Rivière | Lac | Total | Unité régionale |
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
2016 | 5 | 0 | 4 | 1 | 5 | 5 | 20 | 5 |
2017 | 6 | 2 | 7 | 5 | 7 | 5 | 32 | 6 |
2018 | 10 | 4 | 13 | 4 | 3 | 9 | 43 | 14 |
2019 | 12 | 5 | 14 | 7 | 9 | 11 | 58 | 17 |
2020 | 8 | 1 | 9 | 2 | 9 | 11 | 39 | 9 |
2021 | 20 | 5 | 22 | 5 | 13 | 19 | 84 | 25 |
2022 | 23 | 4 | 26 | 7 | 21 | 18 | 99 | 29 |
2023 | 30 | 5 | 30 | 4 | 20 | 19 | 108 | 33 |
Total | 114 | 26 | 125 | 35 | 86 | 97 | 483 | 138 |
La prise d’échantillon se fait sur le terrain dès la fonte des neiges au printemps jusqu’à la fin de la période végétative à l’automne. L’échantillonnage implique de trois à huit visites sur une vingtaine de jours, selon le nombre de sites ou leur emplacement. On compte davantage de visite dans les lieux accessibles et moins de visites dans les régions nordiques.
Dès la fonte des neiges, on installe des stations acoustiques en milieux forestier et humide. On utilise la caméra trappe pour les mammifères en forêt, des caméras de phénologie végétale dans les milieux humides et on installe un puits pour mesurer la variation du niveau d’eau dans les marais.
Un mois plus tard, en milieu forestier, on installe les pièges fosses destinés aux insectes du sol. Ils seront récoltés deux fois à un intervalle de quatre semaines. L’installation des sachets de thé dans le sol pour mesurer la vitesse de décomposition se fait au même moment que la première récolte d’insectes du sol.
Au début du mois de juillet, on réalise les inventaires d’odonates (libellules et demoiselles), de papillons de jour et de la végétation en milieu humide. Au cours de la même période, un inventaire de végétation est réalisé en milieu forestier.
Au début du mois de septembre, on réalise les inventaires de macroinvertébrés benthiques en rivière. Une sortie en lac permet de récolter l’ADNe, le zooplancton et les autres indicateurs aquatiques. En forêt, on retire les poches de thé, les appareils acoustiques et les caméras pour les mammifères.
Au début du mois de novembre, on retire les caméras de phénologie et les appareils acoustiques des milieux humides.
La récolte des données d’inventaires de biodiversité est un travail de longue haleine. Après la réalisation des inventaires, de nombreux efforts sont requis pour l’identification des espèces (insectes, oiseaux, chiroptères, ADN environnemental, zooplancton, macroinvertébrés benthiques), la mise en forme des données, leur intégration dans la banque de données et leur visualisation sur le portail de Biodiversité Québec.