Le 31 décembre 2020, le gouvernement du Québec a annoncé avoir atteint son objectif de protéger 17 % de son territoire, répondant ainsi à son engagement envers le Plan stratégique 2011-2020 pour la diversité biologique, plus précisément à l’objectif 11 d’Aichi. Il s’agit également d’un jalon important dans l’atteinte de l’objectif ambitieux de protéger 30 % du territoire d’ici 2030, tel que décrit dans le Cadre Mondial pour la biodiversité Kunming-Montréal. Cependant, ce chiffre soulève une question cruciale : ces aires protégées représentent-elles adéquatement la répartition de la biodiversité à l’échelle de la province?
Pour répondre à cette interrogation, des membres de Biodiversité Québec travaillant sur l’application de l’indice de protection des espèces au territoire québécois, ont mesuré la proportion de l’aire de répartition de plusieurs espèces (amphibiens, mammifères, poissons, reptiles) qui se retrouve dans les aires protégées. Les aires de répartition informent sur la région géographique où l’espèce peut être observée au Québec et la proportion de ces aires qui sont protégées nous informe sur la représentativité de la biodiversité dans les aires protégées. Ainsi, il est possible de vérifier la concordance entre la présence des espèces et la protection de l’habitat de celles-ci.
L'analyse a révélé que les aires protégées ne couvrent pas toujours les aires de répartition des espèces à l’étude, soulignant une lacune dans la concordance entre ces zones de protection et la biodiversité. En moyenne, sur les 89 espèces étudiées, seulement 11 % de la superficie des aires de répartition se trouve dans des aires protégées, bien en deçà de l'objectif de 17 % de protection du territoire.
Une disparité entre le nord et le sud du Québec en matière de superficie protégée a également été mise en lumière. Le territoire nordique représente 72 % de la superficie du Québec et bénéficie d'une plus grande protection que celui situé sous le 49ème parallèle, bien que ce dernier comporte une plus grande biodiversité. De ce fait, les espèces sont mieux protégées dans le nord que dans le sud du Québec.
Par exemple, l’aire de répartition de l’ours blanc, située uniquement dans le nord, serait protégée à 24 % alors que l’aire de répartition du lapin à queue blanche située uniquement dans le sud ne serait protégée qu’à 1,5 %.
L’analyse de Biodiversité Québec et d’autres équipes, dont celle de la Division du Rétablissement de la Direction des Espèces Fauniques Menacées et Vulnérables du MELCCFP, inclut aussi une comparaison avec les habitats abritant une population d’une espèce menacée ou vulnérable (occurrences du Centre des données du patrimoine naturel du Québec (CDPNQ)). Ces données d’occurrences sont plus précises que les aires de répartition puisqu’elles sont basées sur une présence confirmée. En moyenne, 35 % de la superficie des occurrences d’une espèce se trouve dans des aires protégées. On peut interpréter ce résultat de deux façons, soit que les aires protégées protègent davantage les habitats utilisés par les espèces en situation précaire ou que les espèces en situation précaire sont plus souvent observées dans des aires protégées par des observateurs ou des chercheurs présents dans ces secteurs. Ainsi, 57 % des espèces menacées ou vulnérables seraient protégées au-delà du seuil de 17 %, soit 79 espèces dans le nord et 234 espèces dans le sud de la province.
En conclusion, bien que des progrès significatifs aient été réalisés dans la protection de la biodiversité au Québec, des lacunes persistent dans la localisation des aires protégées sur le territoire du Québec. Les aires protégées déjà en place ne sont que partiellement représentatives de la biodiversité en offrant une protection aux habitats potentiels des espèces en deçà de 17 %. De plus, l’enjeu du choix des nouvelles zones à protéger augmentera en s’approchant de 2030 puisque la majorité des espèces sont situées dans le sud du Québec. Ces terrains sont en très grande majorité des propriétés privées et hors de la portée de protection directe par le gouvernement. Les conflits d’usage sont également beaucoup plus fréquents dans le sud de la province que dans le nord. Des efforts continus et des collaborations entre diverses parties prenantes sont nécessaires pour garantir une protection adéquate de la biodiversité québécoise pour les générations futures.